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🔔 S’abonner au canal DCODLe projet de révision de la surveillance télécoms continue de susciter une levée de boucliers chez les acteurs de la tech suisse.
Depuis janvier 2025, la Confédération propose une modification sensible des règles de surveillance électronique. Objectif affiché : harmoniser les obligations entre opérateurs traditionnels et prestataires de services de communication chiffrée. Mais derrière l’argument technique, c’est un véritable bras de fer qui s’engage entre le gouvernement et l’écosystème de la cybersécurité helvétique.
Une réforme qui change la donne pour les services chiffrés
Jusqu’à présent, la réglementation suisse distinguait deux catégories d’acteurs dans le domaine des communications : les fournisseurs de services de télécommunication (FST ou FDA en allemand), soumis à de fortes obligations de coopération, et Les fournisseurs de services de communication dérivés (FSCD ou AAKD en allemand), moins contraints. Le nouveau texte entend redéfinir cette seconde catégorie en trois sous-niveaux : FSCD « avec obligations minimales », « restreintes » ou « complètes ».
Ce changement, bien que présenté comme une simple adaptation technique, a des conséquences majeures. Désormais, un fournisseur FSCD sera ainsi considéré comme soumis à des obligations complètes s’il atteint 100 millions de francs de chiffre d’affaires annuel ou un million d’utilisateurs. Ces obligations incluent un service de piquet pour répondre aux demandes du service de surveillance (SCPT), la conservation des métadonnées pendant six mois et la transmission du contenu des communications sur requête.
Des réactions vives de l’écosystème tech suisse
Proton et Threema, figures emblématiques de la sphère privée numérique suisse, ont rapidement exprimé leur inquiétude. Le CEO de Proton, Andy Yen, a publiquement déclaré que cette révision revient à « faire comprendre aux entreprises du numérique qu’elles ne sont plus les bienvenues en Suisse ». Le groupe, basé en Suisse romande, n’exclut pas de délocaliser ses activités.
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☕ Je soutiens DCODChez Threema, la situation est jugée tout aussi critique. L’entreprise rappelle un jugement de 2021 du Tribunal fédéral, qui avait interdit son classement comme FDA. Pour Robin Simon, son dirigeant, la nouvelle classification « introduit les mêmes obligations par la porte de derrière ». L’enjeu n’est pas seulement juridique : ces obligations toucheraient aussi des projets open source ou à but non lucratif, mettant en péril la diversité technologique suisse.
Une opposition qui se structure et se politise
La consultation publique, ouverte jusqu’au 6 mai 2025, a donné lieu à une vague de protestations. L’association Digitale Gesellschaft dénonce un « détournement du principe de légalité ». Selon elle, une telle extension de la surveillance doit être encadrée par une loi débattue par le Parlement, et non introduite par simple ordonnance.
Le seuil très bas d’utilisateurs pour être classé FSCD « à obligations restreintes » (5000 utilisateurs actifs mensuels) est jugé démesuré. Il rendrait la quasi-totalité des prestataires suisses de services de communication concernés, quelles que soient leur taille, leurs moyens ou leur finalité. De fait, la portée de cette réforme pourrait bouleverser l’ensemble du paysage numérique national.
Menace sur l’attractivité technologique de la Suisse
Les conséquences d’une telle réforme vont au-delà du secteur tech. En instaurant des obligations de surveillance comparables à celles de certains États autoritaires, la Suisse risquerait de perdre un atout clé : sa crédibilité comme terre d’accueil de services respectueux de la vie privée. Des plateformes comme Proton ou Threema ont justement bâti leur réputation sur cette confiance.
Dans un marché où la souveraineté numérique est devenue un avantage concurrentiel, les répercussions pourraient être économiques, stratégiques et diplomatiques. La question qui se pose aujourd’hui n’est plus seulement technique, mais politique : jusqu’où la Suisse est-elle prête à aller pour concilier surveillance et libertés fondamentales ?
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