Grâce à l’IA, le chatfishing industrialise le faux sur les applications de rencontre, simulant des échanges humains pour multiplier les arnaques sentimentales.
En bref
- Plus sophistiqué que le vol de photos, le « chatfishing » utilise l’IA pour générer des conversations spirituelles, rendant la supercherie indétectable avant la rencontre réelle.
- Au-delà de l’aide sociale pour certains, des outils comme « LoveGPT » inquiètent les experts : ils permettent aux escrocs d’automatiser massivement des relations crédibles.
- La confrontation au réel est brutale : l’avatar virtuel parfait laisse place à une personnalité terne, brisant la confiance et nourrissant une méfiance durable.
- L’éthique est bafouée lorsque l’IA simule l’empathie face à des confidences intimes, remplaçant l’émotion humaine par un calcul froid indétectable par la victime.
L’irruption de l’intelligence artificielle dans la sphère intime des rencontres en ligne marque un point de non-retour dans la numérisation des rapports humains. Ce qui était autrefois un espace dédié à la découverte de l’autre se transforme en un terrain miné où la perfection algorithmique supplante l’authenticité. Des utilisateurs, lassés par la répétition des échanges ou cherchant à optimiser leurs chances, délèguent désormais leur charme à des agents conversationnels. Cette médiation technologique, censée briser la glace, finit par ériger des barrières invisibles mais infranchissables, créant des malentendus profonds dès lors que les écrans s’éteignent pour laisser place à la réalité des visages et des voix.
La séduction sous assistance IA
L’adoption de l’intelligence artificielle par les utilisateurs d’applications de rencontres ne relève pas uniquement de la paresse, mais répond souvent à une logique de performance dans un marché saturé. Pour se démarquer, certains n’hésitent plus à sous-traiter leur répartie. Comme le rapporte Le Point, des communautés entières s’organisent sur des plateformes de discussion pour partager des méthodes d’optimisation. La technique est redoutable : il suffit de copier les réponses d’une prétendante sur ses goûts personnels pour que le logiciel génère instantanément le profil du partenaire idéal, créant un miroir flatteur mais totalement illusoire.
Pour certains profils, cette assistance est vécue comme une nécessité. C’est le cas de personnes souffrant de troubles du spectre autistique ou de difficultés à saisir les codes implicites de la séduction. Pour eux, l’IA agit comme un décodeur social indispensable. Une utilisatrice témoigne avoir confié l’intégralité de sa communication amoureuse au logiciel, au point que son interlocuteur interagissait littéralement avec la machine. D’autres y voient un moyen pragmatique de préserver leur énergie émotionnelle, l’outil permettant de poser de meilleures questions et de filtrer les correspondances sans s’investir, tant que la connexion n’est pas avérée dans le monde réel.
De l’astuce individuelle à l’industrialisation de l’escroquerie
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☕ Je soutiens DCODSi l’usage individuel peut prêter à sourire, la tendance cache une menace bien plus sombre identifiée par les experts en cybersécurité. Le phénomène dépasse désormais le simple cadre des célibataires en manque d’inspiration pour devenir une arme redoutable entre les mains des escrocs. Selon une analyse détaillée par TechRadar, des outils spécifiques comme « LoveGPT » ont fait leur apparition. Ces systèmes intègrent les dernières avancées d’OpenAI pour permettre à des acteurs malveillants de créer des messages authentiques et engageants, non plus manuellement, mais de manière automatisée et massive.
Cette industrialisation du « chatfishing » rend la détection des faux profils extrêmement complexe. Là où les fautes d’orthographe ou les phrases génériques trahissaient autrefois les brouteurs, l’IA produit désormais un discours sans faille, capable de contourner les barrières de méfiance habituelles. Les chercheurs d’Avast soulignent que cette technologie permet de contourner les tests CAPTCHA et de créer une fausse intimité très rapidement. Le danger n’est plus seulement d’être déçu, mais d’être manipulé par des bots capables de soutenir des conversations longues et cohérentes, visant souvent à extraire des données personnelles ou des fonds, rendant la frontière entre un mauvais rendez-vous et une cyberattaque de plus en plus floue.
La mécanique du mensonge assisté par ordinateur
Les victimes décrivent un scénario similaire : une phase de séduction en ligne éblouissante, marquée par des questions profondes et une écoute active simulée, donnant l’impression d’avoir trouvé une perle rare. Cependant, la confrontation physique agit comme un révélateur brutal. L’esprit vif et l’éloquence affichés en ligne laissent place à une personnalité souvent monocorde, incapable de soutenir le niveau d’échange établi par l’algorithme. Bref la chute est haute quand la victime réalise qu’elle a noué un lien émotionnel avec une entité qui n’existe pas.
Plus inquiétant encore est l’usage de l’IA pour gérer des moments de vulnérabilité humaine. Un utilisateur a ainsi laissé l’intelligence artificielle répondre avec tact et délicatesse au message d’une femme évoquant un deuil familial imaginaire. Cette généralisation du faux pousse les internautes à une méfiance paranoïaque, transformant la quête de l’amour en un test de Turing permanent où chaque mot d’esprit devient suspect.
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