Face aux risques accrus d’espionnage, la Commission européenne renforce les mesures de cybersécurité pour ses hauts fonctionnaires en déplacement aux États-Unis.
Depuis plusieurs semaines, un changement discret mais révélateur agite les coulisses de Bruxelles. Des « burner phones » — ces téléphones temporaires conçus pour être jetés après usage — sont désormais remis à certains hauts responsables européens avant leur départ vers les États-Unis. Pourquoi une telle précaution, habituellement réservée à des missions en Chine ou en Ukraine ?
Une menace d’espionnage prise au sérieux
Selon plusieurs sources citées par le Financial Times et confirmées par la Commission européenne, des dispositifs temporaires — téléphones et ordinateurs portables — sont fournis aux commissaires européens en mission officielle à Washington. L’objectif : limiter les risques de compromission de données sensibles durant leurs déplacements.
Offrez un café pour soutenir cette veille indépendante
☕ Je soutiens DCOD
Jusqu’ici, ce niveau de précaution était réservé à des destinations comme la Chine ou l’Ukraine, perçues comme à haut risque en matière de surveillance électronique. Mettre les États-Unis sur ce même plan marque une évolution significative dans l’évaluation des menaces cyber, alimentée par les tensions diplomatiques croissantes depuis le retour de Donald Trump à la présidence en janvier 2025.
Des mesures discrètes mais révélatrices
Officiellement, la Commission européenne ne parle pas de directive formelle. Elle reconnaît avoir « mis à jour ses consignes de sécurité » pour les voyages vers les États-Unis, mais sans mentionner explicitement l’usage de burner phones. Pourtant, plusieurs fonctionnaires confirment que des recommandations orales sont bien en place : éteindre son téléphone personnel à la frontière, le placer dans une pochette de protection, ou encore utiliser exclusivement les dispositifs fournis pour toute communication sensible.
Ces précautions visent à contrer les capacités d’inspection des douanes américaines, qui peuvent légalement confisquer et examiner les appareils électroniques des visiteurs. Cette possibilité, bien réelle, est perçue par Bruxelles comme une menace directe à la confidentialité des échanges diplomatiques et à l’intégrité des systèmes informatiques européens.
Un signal politique fort dans un contexte géopolitique tendu
Au-delà des aspects techniques, cette mesure illustre la détérioration des relations transatlantiques sur le terrain de la cybersécurité. Traiter les États-Unis comme un terrain à risque rappelle que les alliances politiques n’excluent pas les logiques de méfiance numérique. La perception de Washington comme une menace potentielle, au même titre que Pékin, souligne un changement de posture stratégique majeur.
Pour les professionnels de la cybersécurité, cet épisode constitue un rappel concret : les pratiques de sécurité doivent s’adapter aux réalités géopolitiques mouvantes. Le fait que des dispositifs jetables soient désormais prévus pour des voyages officiels dans un pays historiquement allié montre à quel point la surveillance étatique, quel qu’en soit l’auteur, reste une préoccupation majeure.
Les experts soulignent également un effet d’entraînement possible : d’autres institutions européennes ou nationales pourraient emboîter le pas, en révisant à leur tour leurs protocoles de voyage. Car au-delà de la Commission, la protection des données sensibles en déplacement est un enjeu global, qui dépasse les simples considérations diplomatiques.
Entre prévention technique et message diplomatique
Ce déploiement de moyens de sécurité renforce la nécessité d’un équilibre entre prévention technique et communication politique. Fournir des burner phones n’est pas seulement une mesure défensive ; c’est aussi une manière subtile de signifier à ses interlocuteurs que les règles du jeu ont changé. Un téléphone éteint, ou un ordinateur vierge, peuvent en dire long sur la confiance (ou la méfiance) que l’on accorde à son vis-à-vis.
Dans ce contexte, les RSSI et CISO européens suivront de près les suites de cette affaire. La protection des données en mobilité, les protocoles d’inspection aux frontières, l’usage de matériel temporaire : autant de sujets qui, jusqu’alors réservés à des zones de conflit, s’invitent désormais dans les déplacements transatlantiques les plus officiels.
Pour en savoir plus
L’UE confirme avoir distribué des « téléphones jetables » à de hauts fonctionnaires, mais nie toute pratique provoquée par Trump
La Commission européenne a déclaré qu’elle délivrait des « téléphones jetables » aux fonctionnaires, mais qu’aucune directive spécifique ne recommandait leur utilisation lors de missions aux États-Unis.
L’UE fournit à son personnel des « téléphones portables et des ordinateurs portables jetables » pour les visites aux États-Unis
Cela placerait l’Amérique au même niveau que la Chine en matière d’espionnage. La Commission européenne fournit à ses employés en visite officielle aux États-Unis des ordinateurs portables et des téléphones jetables pour éviter les tentatives d’espionnage, selon le Financial Times.
(Re)découvrez également:
L’OFCS alerte contre l’espionnage des emails professionnels
L’OFCS alerte sur l’augmentation des attaques BEC ciblant les entreprises suisses, mettant en péril leurs données et leurs finances.
Le gouvernement néerlandais bannit les smartphones de ses séances pour éviter l’espionnage
Le nouveau Premier ministre néerlandais interdit les appareils électroniques lors des réunions du cabinet pour prévenir l’espionnage, renforçant la cybersécurité des discussions gouvernementales sensibles.
💡 Ne manquez plus l'essentiel
Recevez les analyses et tendances cybersécurité directement dans votre boîte mail.
Vous appréciez nos analyses ?
Soutenez DCOD en offrant un café ☕