Obligatoire dès 2029, la carte numérique suscite un débat sur la vie privée, la sécurité des données et la confiance envers l’État.
En bref
- Le Royaume-Uni prévoit d’imposer une carte d’identité numérique à partir de 2029 pour travailler sur son territoire.
- Une pétition rassemblant plus de deux millions de signatures dénonce un risque de surveillance et d’exclusion numérique.
- Le gouvernement justifie la mesure par la lutte contre le travail illégal et la simplification des démarches administratives.
- Des experts soulignent les failles potentielles de sécurité et de gouvernance dans un pays au lourd passif en matière de projets informatiques publics.
L’annonce du Premier ministre britannique sur la création d’une carte d’identité numérique obligatoire a provoqué de vives réactions politique et sociétale. Le dispositif sera exigé pour toute activité professionnelle dès 2029. Le Royaume-Uni, qui ne possède actuellement aucune carte d’identité physique nationale, basculerait ainsi vers un modèle numérique inédit. Le gouvernement met en avant la lutte contre le travail illégal et la modernisation des services publics. Mais cette initiative soulève un débat bien plus large sur la protection des données, la fracture numérique et la confiance envers l’État.
Un projet technologique à haut risque politique
L’introduction d’une identité numérique centralisée intervient dans un pays déjà l’un des plus surveillés au monde, avec des millions de caméras installées sur la voie publique. Le contraste entre cette réalité et la méfiance populaire vis-à-vis d’un identifiant national numérique est frappant. Une pétition citoyenne a rapidement dépassé les deux millions de signatures, dénonçant l’obligation d’utiliser un smartphone pour accéder à ses droits. De nombreux citoyens craignent que la mesure ne marginalise les personnes âgées ou non connectées.
Selon Biometric Update, le débat parlementaire a révélé de fortes tensions autour du coût du programme, du caractère obligatoire du dispositif et du manque de garanties techniques sur la protection des données. Plusieurs parlementaires ont reproché au gouvernement de ne pas avoir suffisamment consulté la population. Les inquiétudes vont jusqu’à évoquer un risque de glissement vers une surveillance de masse, notamment si la carte d’identité numérique venait à être liée à d’autres services publics sensibles, comme la santé ou les prestations sociales.
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☕ Je soutiens DCODCertains observateurs soulignent aussi les failles potentielles de gouvernance. Le Royaume-Uni a connu plusieurs échecs coûteux dans ses projets numériques publics. Les experts du secteur estiment que la crédibilité du gouvernement dépendra de sa capacité à démontrer la sécurité du système et la transparence des usages. La question du stockage et du contrôle des données reste centrale : seront-elles hébergées par l’État, par des prestataires privés ou dans un modèle hybride ?
Une méfiance alimentée par le manque de confiance numérique
Pour beaucoup, le problème ne tient pas à la technologie elle-même, mais à la manière dont elle est gérée. Selon TechRadar, un système de carte d’identité numérique pourrait théoriquement renforcer la sécurité et l’efficacité administrative s’il reposait sur des principes de transparence, d’interopérabilité et de contrôle citoyen. Des exemples comme celui de l’Estonie, souvent cité comme modèle, montrent qu’une architecture décentralisée et un audit public des accès peuvent instaurer la confiance.
Mais au Royaume-Uni, la communication gouvernementale autour du projet BritCard a été jugée confuse. Le manque d’explications claires a laissé place à des rumeurs, amplifiées sur les réseaux sociaux. Les critiques évoquent un “vide informationnel” comblé par des discours conspirationnistes ou alarmistes. De plus, comme le rapporte The Guardians, plus de 1,6 million de personnes ont déjà signé une pétition s’opposant au projet de Starmer de cartes d’identité numériques.
Certains spécialistes suggèrent des alternatives plus souples, comme la possibilité de choisir son fournisseur d’identité numérique ou d’opter pour des modèles de type « self-sovereign identity » (SSI), où l’usager contrôle lui-même ses données. Ces approches permettraient de concilier innovation et protection de la vie privée, à condition d’un encadrement légal strict. D’autres rappellent que la mise en œuvre d’un tel dispositif à l’échelle nationale suppose un débat démocratique approfondi, encore largement absent à ce stade.
Une réforme test pour la confiance numérique en Europe
Le Royaume-Uni n’est pas seul à vouloir instaurer une identité numérique. Dans l’Union européenne, plusieurs pays développent déjà des solutions d’eID interopérables. Mais la dimension obligatoire et centralisée du modèle britannique fait figure d’exception. Si le projet BritCard échoue ou provoque une contestation durable, il pourrait servir d’avertissement pour les autres démocraties.
Cette controverse révèle un paradoxe : à mesure que les technologies promettent plus de simplicité et de sécurité, la confiance publique semble s’éroder. La réussite d’une carte d’identité numérique repose moins sur la performance technique que sur la légitimité perçue de ceux qui la gouvernent. La transparence, la pédagogie et le contrôle citoyen apparaissent désormais comme les véritables clés de la souveraineté numérique.
Pour en savoir plus
Un nouveau système d’identification numérique sera déployé dans tout le Royaume-Uni
Un nouveau système d’identification numérique contribuera à lutter contre le travail illégal tout en facilitant l’accès aux services gouvernementaux essentiels pour la grande majorité des citoyens. L’identification numérique sera obligatoire pour les contrôles du droit au travail d’ici la fin de la législature.

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